jeudi 31 août 2017

Les garçons de la bande




Les garçons de la bande est à la base une pièce de théâtre écrite par Mart Crowley, qui remporta un succès fou et surtout très inattendu sur Broadway dès sa première représentation. En effet, l'homosexualité est ouvertement traitée, et en 1967 le sujet est toujours tabou, donc risqué - les protagonistes en faisaient d'ailleurs les frais physiquement chaque soir en rentrant chez eux. Les manifestations de violence d'un côté et le triomphe de l'autre, il n'était plus question d'en rester là. Mat Crowley en ferait un film, avec la condition sine qua non que les acteurs soient ceux de la pièce. William Friedkin rejoindra donc l'équipe avec grande exaltation.


En plus des acteurs, il va sans dire que l'histoire aussi reste la même: Michael (Kenneth Nelson) donne une fête d'anniversaire chez lui en l'honneur de son ami Harold (Leonard Frey). Ils seront huit en tout, y compris le jeune éphèbe Cowboy Tex (Robert La Tourneaux) en guise de cadeau surprise. Les invités arrivent un à un, et il ne manquera plus que l'intéressé. Et justement le voilà. 


Son arrivée est remarquable à bien des égards, car le film jusqu'ici électrique et virevoltant se pose et nous impose. La caméra du jeune réalisateur William Friedkin nous intronise au cœur même de la petite sauterie, sans qu'aucun des protagonistes n'en soient troublés. Quel talent ! Pourtant le film n'obtint pas le succès escompté, because entre temps (entendu entre la pièce et le film), les émeutes de Stonewall avaient eu lieu, et la communauté gay l'a boudé le jugeant alors désuet et contre évolutif. Quelle ingratitude. Il m'est pourtant d'avis que la pièce a largement et fortement contribué à l'avancée de cette même cause. De plus, les ressentiments, l'amertume, la lâcheté ici évoqués sont le propre de l'homme, le sujet est universel... 

  
Mais dommage Éliane, la nature humaine a ses travers que c'est aussi pour ça qu'on l'aime, il en sera de même autour de Cruising. Friedkin sera non seulement accusé d'avoir stigmatisée et réduite ladite communauté en une seule et unique identité -le sado maso cuir sniffant du poppers dans les bas fonds plus glauques encore que la plus glauque de tes copines-, mais de surcroit, Al Pacino refusera toute promotion, flippé qu'il était d'être assimilé à son personnage. Vraiment, le métier de réalisateur n'est pas de tout repos. Il aurait pris Lou Reed, les choses auraient été plus simples. Vote un si tu penses que c'est une bonne idée, deux si t'es d'accord pour que Friedkin fasse un remake avec lui.


Le mieux étant de passer outre la susceptibilité de chacun, et d'apprécier ces films que dis-je ces chefs-d'œuvre! avec l'abandon qu'il se doit. Parce que Friedkin est un des plus grands réalisateurs, il a toujours exploré le cinéma avec sérieux et de la façon la plus noble qu'il soit.



11 commentaires:

  1. Al Pacino est un con ! C'est triste parce que je l'appréciais beaucoup, mais plus je prends du recul, plus je le trouve inconsistant et inintéressant sitôt tournée la page des 70's (croyez pas que je fais un blocage, je fais simplement un blocage). Comme Nicholson ou De Niro, il rend, par son manque de subtilité, les films dans lesquels il a le rôle majeur terriblement datés. Comparez le travail intemporel de John Travolta dans Blow Out et celui de Pacino dans Scarface (manière de prendre un réalisateur commun aux deux films) et l'évidence crève les yeux. Et je n'évoquerais même pas Robert Duvall ou Martin Sheen, ce serait trop cruel pour pacinounette.
    Bref, oui pour Lou Reed dans un remake (que je ne suis toutefois pas pressé de voir) de Cruising. D'une certaine façon, son ombre planait déjà au dessus du film puisque la musique est en partie signée par Willy DeVille que l'on désignait volontiers à ses débuts new-yorkais comme étant le nouveau Lou Reed. On sait depuis qu'il n'y aura jamais eu qu'un seul loulou qui soit un vrai marlou.

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    1. Nicholson cabotine tant et plus et avec le recul également, il est difficile de passer outre. De Niro comme tu dis singe souvent Robert Duvall et a fait quelques navets, mais par contre, quand il est bon, il est bon. Mais pour Al Pacino, je me demande au final si le cinéma ne serait pas en fait une couverture, parce si je ne m'abuse personne ne l'a contraint à le faire jusqu'au bout non plus hein. Et que peut-être Friedkin avait capté cette ambiguïté non assumé et s'en est délecté tout le tournage... ;)))
      Et pour Lou Reed (et peut-être est-ce dû à son éternelle dégaine Street Hassle ;p), il est pour moi le Friedkin de la musique, depuis toujours, je n'arrive pas à les dissocier ;)

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    2. Tu n'arrives pas à les dissocier ? Pourtant c'est simple, Friedkin c'est celui qui est malade et Lou Reed c'est celui qui se soigne )))

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    3. Dire de Friedkin qu'il a exploré le cinéma de la façon la plus noble me semble bien loin de la réalité. Ce type est un fou furieux qui n'hésitait pas à foutre des torgnolles ou à tirer des coups de feu par surprise afin que les acteurs expriment les émotions voulues de la façon la plus réaliste.
      C'est un putain de cinéaste qui est habité par son métier et qui se met en danger (et les autres avec au passage) afin que ses œuvres soient autant marquantes qu'une blessure par lame. Et je pense au vu de ses films bien tarés qu'il a plutôt bien réussi son coup et, tout comme Cimmino, il aura fort cher payé son intransigeance.

      De Niro a commencé à devenir une caricature pathétique de lui-même dès Raging Bull ce qui remonte tout de même à 1980 et ce n'est pas dans quelques navets qu'il s'est compromis mais des tas (et en plus il continue cet animal) !
      J'ai plus de respect pour Pacino et Nicholson qui, au final, ont à leur actif une filmographie hallucinante qui démontre - surtout pour Jack en fait - une volonté de ne pas se laisser enfermé dans un genre et puis lui au moins, tout comme Gene Hackman (un sacré client que l'on a un peu trop tendance à oublier !), a eu la bonne initiative de ne plus se mettre sous le feu des projecteurs depuis pas mal d'années déjà.

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    4. Je vois le rapprochement avec Cimino, mais Friedkin est plus funky quand même ;) Il se relever et se renouveler. Ce film par exemple Les garçons de la bande, il a essayé de le faire genre nouvelle vague, parce que c'était la mode du moment, mais il a vite compris que c'était pas son truc, et il a sorti French Connection et L'Exorciste juste après. Même s'il a beaucoup aimé faire Les garçons. Il dit qu'avec Bug, se sont de superbes films d'amour ;)

      (Un entretien ici avec Friedkin que j'aime bien)

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    5. Bug est d'enfer et effectivement c'est un film d'amour. La meilleure mise en image possible de l'expression "je t'ai dans la peau" )))
      Avec Cimino (et Peckinpah) ils ont été de sacrés jusqu'au-boutistes et on oublie souvent Cassavetes qui a lui aussi fait des films très personnels quitte à perdre son public en route.

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    6. On peut y inclure Robert Aldrich, Sam Shepard et d'autres encore. Ou Tom DiCillo également, dans un domaine différent mais dont on ne parle jamais. Après perdre du public c'est pas mal, ça doit leur permettre d'y voir plus clair ;D

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  2. une période que je connais mal... j'ai vu des extraits de "Cruising" et de ces "garçons" dans "Celluloid Closet" documentaire fascinant sur le cinéma gay, mais à cette époque les gays notamment les "garçons" sont mal représentés, stéréotypés, efféminés ou mal dans leur peau et honteux évoluant dans des milieux glauques ou des ambiances de folles et drag queens... alors que dans la vraie vie la plupart des gays ressemblent aux autres hommes et n'ont rien de féminin et sont bien dans leur peau et heureux de vivre ...

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  3. Dans Cruising à la base c'est une enquête de police, et le milieu gay sado maso en est le décor, là où l'intrigue se situe. Dans Les diaboliques par exemple, c'est fait avec beaucoup plus de subtilités, mais les deux lesbiennes qui commettent un crime ne sont pas représentatives non plus. Alors je comprends que le sujet était sensible à l'époque -vu qu'il est encore aujourd'hui-, mais il faut remettre l'église au centre du village, on connait tous une folle, un infidèle, un soumis etc... et dans les garçons les traits sont peut-être grossis pour servir l'histoire mais la subtilité du jeu des acteurs est formidable et empêche justement la caricature (il est inutile de préciser que les acteurs eux-mêmes étaient gay, et qu'ils sont morts pour la plupart entre 83 92). Le film -parce que je n'ai jamais vu la pièce- laisse le temps nécessaire à la réflexion et de plus, n'émet aucun jugement. Au contraire, je trouve qu'il a fait avancer la cause, car c'était très courageux de s'exposer ainsi.

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  4. A voir alors, merci pour les précisions Madame Sylvie !

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